Une capsule temporelle
Mon intérêt pour la ville de Brasilia vient d’un mélange de fascination et de nostalgie pour les histoires et les représentations du futur. La ville d’Oscar Niemeyer, capitale brésilienne construite en 4 ans au milieu d’un désert, incarne la vision du futur héritée des années 60. Le plan pilote conçu en 1957 par l’urbaniste Lucio Costa coïncide avec le début de l’ère spatiale et du premier satellite artificiel de la Terre : Sputnik. C’est donc l’âge d’or du Space Age, et la ville de Brasilia avec ses airs de soucoupe volante qui aurait atterri au milieu de nul part, exprime à elle seule, la nostalgie et le rêve d’un futur resté gelé dans le temps. Le cas est unique de par sa taille; une ville entière; et de par son état de conservation; le plan pilote est resté inchangé en raison de son inscription au patrimoine mondial de l’Unesco. Brasilia, capsule temporelle, révèle un temple moderniste fossilisé dans un avenir utopique. J’ai utilisé la ville comme un décors où ses propres habitants sont mis en scène.
Lors de mes d.ambulations me sont revenus à l’esprit les récits de Jorge Luis Borges et l’étrange empire dont une carte recouvre la ville; Fictions,1946, de Dino Buzzati et l’idée d’un temps en fuite, Le Désert des Tartares, 1940, ou encore le film The Truman Show par Peter Weir (1988) dont le héros vit dans une illusion. Il faut enfin aussi dire la sidérante et folle beauté de la ville de Brasilia où absolument tout est composé avec la même écriture : linéaire, précise, minimale, fluide, radicale, aérienne, monumentale, musicale…

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Une partie de la série « Brasilia » a intégré la collection permanente du Metropolitan Museum of Art à New York (texte disponible sur le site du MET) et de la collection LVMH à Paris.

 

Edition
10 + 2 Artist proofs, all formats included.

Format
90×153 cm / 35,43×60,23 inch
150×255 cm / 59,05×100,39 inch

Technique
Pigment inkjet printing on 315 grs Hahnemühle paper.
Mounted on Dibond with Diasec framing or wooden frame
with museum glass.

Brasília
Freeze Frame of a Future Past
Dans cet entretien avec Christian Larsen, Conservateur adjoint au Metropolitan Museum of Art à New York, l’artiste photographe Vincent Fournier s’exprime au sujet de la vision futuriste de la capitale brésilienne : Brasília.  

Christian Larsen 
:
Comment est né votre intérêt pour Brasília ?
S’inscrivait-il dans un plus vaste projet visant à photographier des villes utopiques, ou vous intéressiez-vous à la capitale brésilienne en elle-même ?
Vincent Fournier : 
Mon intérêt pour Brasilia vient de ma fascination pour la façon dont nous voyons et imaginons le futur. Tous mes projets : l’exploration spatiale, les robots humanoïdes, la transformation du vivant par la technologie ou encore l’architecture utopique explorent à chaque fois différentes visions du futur. Il peut s’agir du futur d’hier les anciennes images de l’avenir ou celui qu’on imagine pour demain. Je suis allé à Brasília avec cette idée en tête. En effet la date du «plan pilote» conçu en 1957 coïncide avec le lancement du premier satellite artificiel de la Terre : Sputnik. Brasilia est donc né au début de l’ère spatiale et toute l’esthétique de la ville en est largement inspirée. C’est le rêve de l’espace et de la course vers le futur qui s’incarne de manière métaphorique et anticipative dans l’architecture de la ville. Les fenêtres-hublots rappellent ceux de la capsule spatiale de Gagarine les passages qui relient les différents bâtiments évoquent les longs couloirs des stations orbitales et l’architecture sur pilotis anticipe les «chicken legs» des futures modules d’alunissage. La métaphore est parfois encore plus évidente comme pour le Musée National cerclé d’un anneau de Saturne. Par ailleurs cette ville qui a fantasmé l’espace et inventé son propre futur est restée gelée dans le temps. En effet le plan de la ville identique depuis son origine est inscrit depuis 1985 au Patrimoine de l’Unesco ce qui le préserve définitivement de tout changement. Brasilia est donc une bulle hors du temps une capsule temporelle où s’offre avec nostalgie le rêve du futur des années 60. C’est magnifique et fascinant la façon dont la capitale brésilienne a été pensée et créée avec la même esthétique la même cohérence. Quelle rigueur et quelle folie ! C’est aussi un cas très particulier puis- qu’en seulement quatre ans l’architecte Oscar Niemeyer et l’urbaniste Lucio Costa ont littéralement fait naître cette ville en plein désert. C’est une capitale oasis une île comme celle du livre “Utopia” de Thomas More.
Christian Larsen : J’y ai eu la même impression que vous : celle d’un vaste paysage horizontal. Ses bâtiments, ses proportions tout semble y mettre l’horizon en valeur à la façon d’un point de fuite. Votre choix d’un format horizontal m’a donc semblé très judicieux. J’imagine que vous y êtes avant tout allé pour découvrir les constructions et leurs espaces.Votre sélection laisse penser que vous n’y avez guère rencontré de surprises ; vous est-il malgré tout arrivé d’entrer dans un bâtiment et d’y être frappé par un moment de beauté fugace que vous n’aviez jamais vu en photographie ? On connaît par exemple l’escalier en colimaçon d’Itamaraty, mais on voit rarement le treillis d’Athos Bulcão, qui forme un écran spatial et visuel à son sommet. Qu’en pensez-vous ?
Vincent Fournier :  Il y a aussi une dimension théâtrale dans cette horizontalité, comme une scène où se jouerait une pièce. Mais pour revenir à votre vision d’une ville dont l’architecture met en valeur l’horizon, je partage complètement votre point de vue. L’horizontalité de la ville, son altitude élevée, la présence constante du ciel… tout contribue à ce que notre regard soit attiré vers l’infini. C’est très relaxant car lorsque le regard est porté vers l’horizon, le nerf optique est au repos. En même temps, ce regard dirigé vers le lointain invite également à réfléchir, à imaginer l’avenir. A ce sujet, le mot futur en latin se formule comme un «à venir». C’est ce qui advient, ce qui va venir : ad venturus. Par ailleurs, Lucio Costa disait « le ciel c’est la mer de Brasilia ». Et en effet le ciel est partout dans la ville. Il passe même entre le vide des bâtiments, comme entre les planches d’un décor. On a parfois l’impression étrange de se retrouver derrière la scène d’un décors monumental, le regard constamment happé par le ciel.
Christian Larsen : À la vue de certaines photographies on ressent à la fois une écrasante sensation de vide et le luxe d’avoir pratiquement la ville entière pour soi. Ce type d’espace me procure souvent une impression de solitude.
Vincent Fournier : C’est juste ! Déambuler dans la ville de Brasilia c’est aussi faire l’expérience du vide, un vide d’ailleurs toujours en dialogue avec le plein. En fait, l’espace de la ville est tellement rationalisé que même les endroits vides sont intégrés comme autant d’unités dans la grande trame du plan général. On dirait que tout repose sur une conception très géométrique et abstraite de l’espace, comme si l’univers mathématique absorbait l’univers physique. C’est une sensation très étrange, le sentiment d’être seul, perdu dans un décor dont l’échelle dépasse la mesure de l’homme. Cela me rappelle la nouvelle de Jorge Luis Borges De la rigueur de la science  où «une carte de l’Empire avait le format de l’Empire et coïncidait avec lui, point par point ».
Christian Larsen : Tout y est rationnellement subdivisé en secteurs, qui séparent la population plutôt qu’ils ne l’intègrent dans ses multiples activités. Les centres commerciaux sont ainsi isolés des secteurs résidentiels ou superquadras eux- mêmes à l’écart des bâtiments administratifs et gouvernementaux. Ce type d’organisation m’a semblé très proche de la pensée moderniste mais éloigné du socialisme auquel adhérait pourtant Oscar Niemeyer. Il contraste également avec les judicieuses observations de Jane Jacobs sur l’animation de la rue, où coexistent différentes activités commerciales sociales professionnelles et récréatives à n’importe quelle heure du jour et de la nuit. La richesse d’une ville réside dans la pluralité de ses habitants et des activités qui occupent un même espace au même moment. La subdivision de toutes ces fonctions et leur cloisonnement en secteurs donnent donc à l’expérience urbaine une tonalité étrangement creuse et militaire. On se sent facilement seul dans une ville dont ces longues étendues horizontales fixent les proportions. Très surréaliste, Brasília ne m’en rappelle pas moins Los Angeles. Costa comme Niemeyer considéraient en effet que le centre-ville reposerait sur un mode de vie motorisé : les distances y sont calculées pour les automobiles et personne ne s’y déplace à pied. Mais ces photographies semblent s’intéresser davantage à l’architecture et à l’aménagement du territoire qu’à l’urbanisme. Avez-vous demandé à ces personnages solitaires de poser pour vous ou se trouvaient-ils simplement là à ce moment précis ? La photographie du Théâtre national donne l’impression que vous avez demandé à cet homme d’y monter pour vous. Considériez-vous que ces espaces solitaires avaient besoin d’être animés par un ou plusieurs personnages ?
Vincent Fournier : L’horizontalité dont nous parlions donne l’im- pression de se déplacer dans une gigantesque scène de théâtre. Il fallait donc des acteurs ! J’ai utilisé la ville comme un décor et mis en scène ses propres habitants. Mon but était de composer des images tableaux à partir de situations narratives, esthétiques et parfois absurdes. Par exemple la photographie du Musée National avec l’anneau de Saturne et le nuage au dessus du personnage en costume est une référence à l’univers surréaliste de Magritte. Le personnage également en costume du Théâtre national est un danseur contemporain que j’ai invité à improviser des mouvements en écho avec la forme du bâtiment. L’idée était de créer un dialogue une tension entre une architecture statique lourde et massive et une silhouette en mouvement. Mais pour revenir à cette impression d’isolement et d’uniformisation cela vient en effet contredire le projet initial. En fait au lieu de rassembler les habitants au sein d’un espace partagé comme le voulait Oscar Niemeyer la ville les a séparés et éloignés les uns des autres. On retrouve cette contradiction dans l’île Utopia de l’ouvrage de Thomas More dont la perfection repose en grande partie sur l’uniformisation de tous ses éléments à la fois géographiques architecturaux et humains. Dans l’île d’Utopia il n’y a pas de diversité les habitants mènent tous la même existence travaillent le même nombre d’heures et vivent dans les mêmes maisons.
Christian Larsen : Les photographies que vous avez prises et la sensation de déambuler seul à travers ces espaces sont très abstraites. Le sens du rythme, les matériaux et les espaces qu’ils délimitent constituent des abstractions géométriques tantôt désintégrées tantôt ordonnées mais toujours spacieuses. C’est un intéressant défi pour un photographe que de les saisir et de le faire en beauté. Mais votre travail ne se contente pas d’égaler la meilleure abstraction géométrique ou la meilleure photographie d’architecture : c’est la présence ou l’absence humaine qui donnent de la profondeur ou confèrent de la poésie à vos clichés. Je suis intrigué par les espaces qui procurent la vague sensation d’un événement récent ou imminent comme le hall du Brasília Palace Hotel où une fête vient de se terminer ou encore l’escalier bleu d’Itamaraty qu’un important fonctionnaire pourrait à tout moment emprunter.
Vincent Fournier : Merci ! Pour l’image du Brasília Palace Hotel c’est le décor avec la fresque d’Athos Bulcao qui m’a inspiré l’idée d’une fête qui s’achève. J’ai donc rassemblé les vestiges d’une fête : ballons, confettis, guirlandes pour donner cette impression de mélancolie joyeuse..
Christian Larsen : J’ai également apprécié Brasília, qui donne un fascinant aperçu d’un futur révolu. Peut-être qu’un jour notre conception actuelle des villes deviendra elle aussi obsolète. Pensez-vous qu’il s’agisse d’un succès ou que certains aspects de la ville n’ont pas été à la hauteur des aspirations utopiques ?
Vincent Fournier : Comme vous l’avez dit, la richesse d’une ville réside dans son pluralisme et l’expression des différences est donc un facteur de vitalité. La conception de Brasilia est très différente. On dirait que toute la ville repose sur l’aspiration à transformer la vie en une équation parfaite avec un langage global et une vision unique. Cependant ce désir se heurte au principe de réalité. Prenons l’exemple des superquadras : censés vivre dans ces milieux autonomes les habitants n’ont pas voulu s’y confiner et ont recherché la diversité. Les superquadras n’ont pas fonctionné comme prévu l’utopie de Brasilia est donc en partie un échec du moins dans son fonctionnement car l’esthétique demeure admirable. Néanmoins c’est un échec nécessaire comme le sont les utopies dont le but est de remettre en cause des habitudes. Il s’agit de pousser les curseurs à leurs limites de faire des hypothèses afin de proposer d’autres modèles.
Christian Larsen : En effet, la ville est très intéressante en terme d’esthétique. On a le sentiment de palais modernes inspirés de l’architecture romaine antique réduits et multipliés à grande échelle. Dans ces vastes espaces vides en particulier les grands champs d’herbes sur l’axe Monumental on a l’impression que la ville pourrait à un moment donné contenir toute la population du Brésil si c’était nécessaire. Il y a cette idée d’espace et d’horizon infini. Mais c’est une contradiction. En effet la ville n’a pas été conçue pour recevoir toute la population du Brésil. Le plan prévoyait 500 000 fonctionnaires. C’est aussi pour cette raison que c’est si étrange. Les employés du gouvernement étaient censés habiter le plan central principal et les planificateurs ne s’attendaient pas à ce que des vagues d’immigration arrivent en ville. Les villes satellites se sont donc développées pour accueillir tous les autres citoyens venus pour faire leur vie. Maintenant la ville compte plus de 2,5 millions d’habitants. C’est bien plus que ce que les planificateurs avaient envisagé de faire.
Vincent Fournier : Oui, les planificateurs ne s’attendaient pas à ce que les travailleurs restent dans la ville satellite de Brasilia une fois les travaux finis. Pour revenir à ce sentiment d’étrangeté lié aux grands espaces vides de l’axe principal ça me fait penser à ce film avec Jim Carrey. Il joue un personnage dont la vie est filmée sans qu’il le sache pour une émission de télé-réalité. Son monde est un gigantesque plateau de tournage. Il vit dans une illusion.
Christian Larsen : Oh « The Truman Show » !! Oui c’est comme un décor de film.
Vincent Fournier : Et la ville satellite serait la vraie vie, par opposition au cœur de la ville et toutes ses administrations. J’aime beaucoup ce film ! Ça me rappelle les univers parallèles des livres de Philip K Dick.

Interview of Vincent Fournier by Christian Larsen in TL Mag 31, 2019, Pro Materia

A time capsule
My interest in the city of Brasilia comes from a mixture of fascination and nostalgia for the stories and representations of the future. Oscar Niemeyer’s city, the Brazilian capital built in 4 years in the middle of a desert, embodies the vision of the future inherited from the 1960s. The pilot plan conceived in 1957 by the urban planner Lucio Costa coincides with the beginning of the space age and the first artificial satellite of the Earth: Sputnik. It is therefore the golden age of the Space Age, and the city of Brasilia with its airs of flying saucer which would have landed in the middle of nowhere, expresses alone, the nostalgia and the dream of a future remained frozen in time. The case is unique in its size; an entire city; and in its state of preservation; the pilot plan has remained unchanged due to its inclusion in the Unesco World Heritage. A modernist temple fossilized in a utopian future, Brasilia is like a time capsule. I thus practiced the city as a set whose inhabitants are staged. During my wanderings, different stories came to my mind: this strange empire whose geographical map covers the whole territory, in De la rigueur de la science by JL Borges (1946); the story of a man who waits all his life for an event that will not happen, in Le Désert des Tartares by D Buzzati (1940); or the one where the hero lives in an illusion, in The Truman Show by P Weir (1988) It is also necessary to say the staggering and crazy beauty of the city of Brasilia, where absolutely everything is composed with the same writing: linear, precise, minimal, fluid, radical, aerial, monumental, musical…

Part of the “Brasilia” series has been included in the permanent collection of the Metropolitan Museum of Art in New York (text available on the MET website) and in the LVMH collection in Paris.

Brasília
Freeze Frame of a Future Past
In this interview with Christian Larsen, Associate Curator at the Metropolitan Museum of Art in New York, artist photographer Vincent Fournier talks about the futuristic vision of the Brazilian capital: Brasília.

Christian Larsen:
How did your interest in Brasília come about?
Was it part of a larger project to photograph utopian cities, or were you interested in the Brazilian capital itself?

Vincent Fournier :
My interest in Brasilia comes from my fascination with the way we see and imagine the future. All my projects: space exploration, humanoid robots, the transformation of the living through technology or utopian architecture explore each time different visions of the future. It can be the future of yesterday, the old images of the future or the one we imagine for tomorrow. I went to Brasília with this idea in mind. Indeed the date of the “pilot plan” conceived in 1957 coincides with the launch of the first artificial satellite of the Earth: Sputnik. Brasilia was therefore born at the beginning of the space age and the whole aesthetics of the city is largely inspired by it. It is the dream of space and the race towards the future that is embodied in a metaphorical and anticipatory way in the architecture of the city. The windows-hublots recall those of Gagarin’s space capsule, the passages that connect the different buildings evoke the long corridors of the orbital stations and the architecture on stilts anticipates the “chicken legs” of the future lunar landing modules. The metaphor is sometimes even more obvious, as in the case of the National Museum, encircled by a ring of Saturn. Moreover, this city that has fantasized about space and invented its own future has remained frozen in time. Indeed the plan of the city, identical since its origin, is registered since 1985 in the Unesco Heritage, which preserves it definitively from any change. Brasilia is thus a bubble out of time, a time capsule where the dream of the future of the 60s is offered with nostalgia. It is magnificent and fascinating how the Brazilian capital was thought and created with the same aesthetics and coherence. What rigor and what madness! It is also a very particular case since in only four years the architect Oscar Niemeyer and the urban planner Lucio Costa literally gave birth to this city in the middle of the desert. It is an oasis capital, an island like the one in Thomas More’s book Utopia.

Vincent Fournier: There is also a theatrical dimension in this horizontality, like a stage where a play would be performed. But to come back to your vision of a city whose architecture emphasizes the horizon, I completely share your point of view. The horizontality of the city, its high altitude, the constant presence of the sky… everything contributes to the fact that our eyes are drawn towards the infinite. It is very relaxing because when the gaze is directed towards the horizon, the optic nerve is at rest. At the same time, this gaze directed towards the distance also invites us to think, to imagine the future. In this regard, the word future in Latin is formulated as “to come”. It is what happens, what will come: ad venturus. Besides, Lucio Costa said “the sky is the sea of Brasilia”. And indeed the sky is everywhere in the city. It even passes between the void of the buildings, like between the boards of a set. One sometimes has the strange impression of being behind the stage of a monumental set, the gaze constantly caught by the sky.

Christian Larsen: When you see some of the photographs, you feel both an overwhelming sense of emptiness and the luxury of having the entire city to yourself. This type of space often gives me a sense of solitude.
Vincent Fournier : That’s right! To walk in the city of Brasilia is also to experience the emptiness, an emptiness moreover always in dialogue with the full. In fact, the space of the city is so rationalized that even the empty places are integrated like so many units in the great frame of the general plan. It seems as if everything is based on a very geometric and abstract conception of space, as if the mathematical universe absorbed the physical universe. It is a very strange sensation, the feeling of being alone, lost in a setting whose scale exceeds the measure of man. It reminds me of Jorge Luis Borges’ short story On the Rigor of Science where “a map of the Empire had the format of the Empire and coincided with it, point by point”.

Christian Larsen: Everything is rationally subdivided into sectors, which separate the population rather than integrating it into its multiple activities. The shopping centers are isolated from the residential areas or superquadras, which are themselves separated from the administrative and government buildings. This type of organization seemed to me to be very close to modernist thinking but far from the socialism to which Oscar Niemeyer adhered. It also contrasts with Jane Jacobs’ wise observations about the animation of the street, where different social, professional and recreational commercial activities coexist at any time of the day and night. The richness of a city lies in the plurality of its inhabitants and activities that occupy the same space at the same time. The subdivision of all these functions and their compartmentalization into sectors therefore gives the urban experience a strangely hollow and military tone. It is easy to feel alone in a city whose long horizontal expanses fix the proportions. Very surreal, Brasília reminds me no less of Los Angeles. Both Costa and Niemeyer considered that the city center would be based on a motorized way of life: distances are calculated for cars and no one walks there. But these photographs seem to be more interested in architecture and land use than in urban planning. Did you ask these solitary figures to pose for you, or were they simply there at that moment? The photograph of the National Theatre gives the impression that you asked this man to come up for you. Did you feel that these solitary spaces needed to be animated by one or more characters?

Vincent Fournier: The horizontality we were talking about gives the impression of moving in a gigantic theater stage. So we needed actors! I used the city as a set and staged its own inhabitants. My goal was to compose pictures from narrative, aesthetic and sometimes absurd situations. For example, the photograph of the National Museum with the ring of Saturn and the cloud above the costumed character is a reference to Magritte’s surrealist universe. The character also in costume of the National Theater is a contemporary dancer that I invited to improvise movements in echo with the shape of the building. The idea was to create a dialogue, a tension between a heavy and massive static architecture and a silhouette in movement. But to come back to this impression of isolation and uniformity, this contradicts the initial project. In fact, instead of gathering the inhabitants in a shared space as Oscar Niemeyer wanted, the city has separated and distanced them from each other. We find this contradiction in the island Utopia of Thomas More’s book, whose perfection rests largely on the uniformity of all its elements, both geographical, architectural and human. In the island of Utopia there is no diversity, the inhabitants all lead the same existence, work the same hours and live in the same houses.

Christian Larsen: The photographs you took and the feeling of walking alone through these spaces are very abstract. The sense of rhythm, the materials, and the spaces they enclose are geometric abstractions that are sometimes disintegrated and sometimes ordered but always spacious. It is an interesting challenge for a photographer to capture them and to do so beautifully. But your work doesn’t just match the best geometric abstraction or architectural photography: it’s the human presence or absence that gives depth or poetry to your shots. I am intrigued by spaces that give a vague sense of a recent or imminent event, such as the lobby of the Brasília Palace Hotel where a party has just ended, or the blue staircase of Itamaraty that an important official could walk down at any moment.
Vincent Fournier: Thank you! For the image of the Brasília Palace Hotel it is the decor with the fresco of Athos Bulcao that inspired me the idea of a party that is ending. So I gathered the remains of a party: balloons, confetti, garlands to give this impression of joyful melancholy.

Christian Larsen: I also enjoyed Brasília, which gives a fascinating glimpse into a bygone future. Perhaps one day our current conception of cities will also become obsolete. Do you think it was a success or that some aspects of the city did not live up to the utopian aspirations?

Vincent Fournier: As you said, the richness of a city lies in its pluralism and the expression of differences is therefore a factor of vitality. The conception of Brasilia is very different. It seems that the whole city is based on the aspiration to transform life into a perfect equation with a global language and a single vision. However, this desire runs up against the reality principle. Let’s take the example of the superquadras: supposed to live in these autonomous environments, the inhabitants did not want to be confined to them and sought diversity. The superquadras did not work as planned, so the utopia of Brasilia is partly a failure, at least in its functioning, because the aesthetic remains admirable. Nevertheless it is a necessary failure as are the utopias whose goal is to question habits. It is a question of pushing the cursors to their limits, of making assumptions in order to propose other models.

Christian Larsen: Indeed, the city is very interesting in terms of aesthetics. One has the feeling of modern palaces inspired by ancient Roman architecture reduced and multiplied on a large scale. In these vast empty spaces, especially the large fields of grass on the Monumental axis, one gets the impression that the city could at one point contain the entire population of Brazil if it were necessary. There is this idea of infinite space and horizon. But it is a contradiction. In fact, the city was not designed to accommodate the entire population of Brazil. The plan foresaw 500,000 civil servants. This is also why it is so strange. Government employees were supposed to live in the main central plan and the planners did not expect waves of immigration to come into the city. So the satellite cities grew to accommodate all the other citizens who came to make a living. Now the city has more than 2.5 million people. This is much more than the planners had envisioned.

Vincent Fournier: Yes, the planners did not expect the workers to stay in the satellite city of Brasilia once the work was finished. To come back to this feeling of strangeness linked to the big empty spaces of the main axis, it makes me think of this movie with Jim Carrey. He plays a character whose life is filmed without him knowing it for a reality show. His world is a gigantic film set. He lives in an illusion.

Christian Larsen: Oh The Truman Show! Yes, it’s like a movie set.
Vincent Fournier: And the satellite city would be the real life, as opposed to the heart of the city and all its administrations. I really like this movie! It reminds me of the parallel universes of Philip K Dick’s books.

Interview of Vincent Fournier by Christian Larsen in TL Mag 31, 2019, Pro Materia